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Stripey
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Stripey
4 novembre 2002

Chute de la langue française

La société pour laquelle je travaille à mes heures perdues propose régulièrement des stages de formation. Pour une fois, au lieu d'aller m'encroûter à un séminaire consacre aux mathématiques appliquées à l'ingénierie financière, je m'inscrivis à un séminaire intitule "Langages et Communication". Le sujet ayant peu de rapport avec mon activité principale, je trafiquai les formulaires, histoire de faire passer la pilule auprès des Ressources Humaines.

L'intérêt de ce séminaire était que plusieurs linguistes spécialisés dans des langues extrêmement variées compareraient les modes de communication orale de chaque groupe ou ethnie qui utilisaient ces langages. Hélas, le jour du séminaire, parmi les 6 spécialistes annoncés dans le programme ne restaient que deux linguistes, dont un Inuit, spécialisé dans sa propre langue, et un Français, spécialisé dans rien du tout et qui avait été invite à la dernière minute pour combler le vide.

Le panel de spécialistes souffrait cruellement de désistements, et était par conséquent assez décevant, mais l'audience l'était encore plus: certains dormaient déjà au bout de 10 minutes, d'autres travaillaient sur leur ordinateur portable, et quelques êtres plus attentifs se préparaient à prendre quelques notes.

Le premier intervenant fut donc le spécialiste du langage Inuit, qui développa un argumentaire assez intéressant dans un français irréprochable, en finissant par une anecdote selon laquelle les habitants du Canada du Nord disposaient de plus de cent mots pour qualifier le terme "neige" (ce qui parait relativement logique, compte tenu de leur environnement naturel, leur faible propension a voyager en Afrique équatoriale, et l'absence d'autres concepts, tels que des volcans, le désert ou les girafes, qui ne nécessiteraient pas des listes de synonymes à n'en plus finir). En guise de conclusion, il demanda à l'assistance encore éveillée si certains d'entre nous connaissaient des exemples similaires dans d'autres langues.

Un monsieur assis au premier rang pensa qu'il était pertinent de souligner que la langue française disposait de plusieurs dizaines de mots, du plus sophistiqué au plus vulgaire, pour signifier les parties génitales masculines, et commença à les énumérer. Une dame, assise un peu plus loin, dans un esprit féministe revanchard, renchérit qu'il en était de même pour le sexe féminin. S'en suivit dans l'assistance une discussion plus que sérieuse sur l'utilisation de tel ou tel terme, ponctuée de mots tels que "bite", "chatte", "zob", "con", "queue" ou "trou"....

Le spécialiste Inuit, un peu abasourdi par la tournure du séminaire, quitta le panel sans que personne ne s'en rende compte pour rejoindre ses neiges éternelles, tandis que les membres respectables du public, eux-mêmes experts en communication, soudainement ragaillardis par ce séminaire "Langages et Communication", dont je me demandai quel compte-rendu ils en feraient en retournant dans leur entreprise respective, commençaient à s'exprimer dans une rhétorique digne d'un peep-show.

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