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Stripey
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Stripey
3 janvier 2002

One-Tenner Genealogy

Un matin, je me suis réveillé adossé à mon arbre généalogique, un arbre dont le tronc n’était pas particulièrement confortable, d’ailleurs, fait d’une écorce rugueuse, parsemée de bosses et de pousses avortées qui me brisaient le dos. Il me fallut un certain temps  pour me rendre compte que j’étais en fait une branche morte, cassée, qui gisait à l’ombre de mes jeunes cousines en fleur. Je commençai à en déduire qu’un vent de grêle violent avait dû m’arracher de cet arbre durant mon sommeil et que j’étais un des membres les moins bien rattachés à cette structure végétale, alors que même mes ascendants décédés avaient résisté à la violence du vent. Je m’étais lamentablement laissé choir. Je levai les yeux vers les branches les plus hautes et demandai:

«Hey, M’man, as-tu remarqué qu’il te manque quelque chose depuis hier soir?»

Pleine de douceur maternelle, la vieille branche me répondit :

«Cet arbre est fait de violence. Dès le début, cela n’a été que violence. D’ailleurs, toi aussi, tu as toujours eu cette violence en toi, il n’est guère étonnant que ta chute ait été si brusque. D’ailleurs, la violence est partout dans la vie. D’ailleurs, ta naissance a été un acte de violence.»

Réconforté par le discours empli de sagesse maternelle, je me tournai vers la branche d’à côté et demandai:

«Hey, P’pa, as-tu remarqué qu’il te manque quelque chose depuis hier soir ?»

Tel un dieu fort de sa puissance virile surhumaine – O Souverain, O Juge – la voix paternelle répondit:

«J’ai secoué mes feuilles depuis qu’elles ont poussé sur cet arbre, je les ai violemment dirigées face à tous les vents, et je suis navré que dans le mouvement, le lien qui te rattachait à notre structure végétale se soit brisé et que tu te retrouves à terre.»

Réconforté par le discours empli de sagesse paternelle, je vis un serpent s’enrouler autour de cet arbre, glissant sensuellement entre les brindilles et les feuilles, jusqu’à ce que sa tête se place en face de la mienne. Un serpent. Un serpent qui parlait. Un serpent qui faisait des petits bruits avec sa langue, des petits bruits qui me procuraient beaucoup de plaisirs. Et il me dit:

«Je me prends pour une branche, je ne suis pas très optimiste, mais je rêve qu’un jour, on vienne me scier pour être transformé en papier et devenir un livre anglais qui coûterait dix livres Sterling - do you need Mummy? The government will never find the money. Everybody synchronize watches. Remember there's only half an hour to do the job. We've been rehearsing for weeks, so nothing should go wrong. Let's run through it one more time: I go in and distract the guard, you’re out the back in the getaway car, the sign on the door turns from open to shut, we keep them all covered, you blow the safe up, we grab the cash, make a hasty retreat and tear across the city using the backstreets. Remember, be careful, give nothing away, the Arm of the Law is as long as they say. There's beauty in such a sacred structure... I've been here all day, apart from a photograph, they'll get nothing from me, not until they let me see my solicitor Ooh, I remember that rich, windy weather when you would carry me. Ooh, there goes a tenner. Hey, look! There's a fiver. There's a ten-shilling note. Remember them? There goes a TENNER!”.

Avant même que je puisse aborder le futur littéraire de ce reptile, un bûcheron me balança sur un fagot d’autres branches, et je me retrouvai au sommet d’un tas de dizaines de branches mortes transportées à ciel ouvert sur un camion d’avant-guerre. Je restai par la suite quelques mois dans une grange, jusqu’au jour de Noël, où le bûcheron s’empara de moi dans une main et prit une bûche dans l’autre.

Je me retrouvai devant l’âtre d’une cheminée dans une maison sans âme, ma compagne la bûche commençait à brûler dans les flammes vives de ce feu de Noël. Je regardai le feu gonfler en ingurgitant son repas du 25 décembre, cette bûche de Noël qui s’effritait au fil des minutes pour se transformer en cendres rougeoyantes; ces mêmes cendres qui commençaient à me piquer les yeux, jusqu’à les faire pleurer, mon écorce s’humidifiait, j’étais soudainement trempé devant la chaleur incandescente de ce brasier, moi le prochain sur la liste, mouillé par mes propres larmes qui s’échappaient de toutes les pores de mon écorce, des larmes qui n’éteignaient pas ce feu, mais qui telles une fièvre, me conservaient dans ma moiteur végétale, en souvenir de cet arbre amputé dans sa chair. 

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