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Stripey
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Stripey
27 décembre 2004

Winner

Les fées se sont penchées sur le berceau. "We've got a Winner ! We've got a Winner !". Et depuis on lui a murmuré à l'oreille, écrit dans ses cahiers, dans ses bulletins et ses divers carnets qu'il en était un. Il est un peu tombé dans le piège, il s'en est convaincu même s'il s'est toujours comporté comme un loser. Il a gravi les marches, à quatre pattes, classe après classe, diplôme après diplôme. Parallèlement, il s'est asphyxié les organes, et a essayé d'y remédier en avalant des cachets blancs amers en provenance du Moyen-Orient. Un gentil pharmacien lui a cependant conseillé de se mettre au rouge, mais qu'importe, un Winner intègre la vie commerciale, reçoit son solde toutes les fins de mois. Puis il s'endort sur son clavier la joue collée à l’écran, la bave aux lèvres. Il a testé plusieurs autres façons de continuer. Cocktail de couleur blanche univers, poudre au goût de poudre qui explose dans la trachée et quelques minutes plus tard dans tout l'abdomen, alors qu'il joue aux quilles, n'en tombe pas une, qu'il s'endort aux repas famille et ne se réveille que pour s'approvisionner dans la pharmacie générale. Il a connu de nombreux médecins en blouses blanches qui sentaient le tabac froid, il a pleuré devant eux, soit des larmes de crocodiles, soit des larmes de carence, qu'importe, il a toujours été un Winner. Il travaille en col blanc clinicien, il s'enferme dans son bureau, dort dans les chiottes de l'entreprise. On l'a cherché, le Winner, alors qu'il se vidait les tripes, penché au-dessus de la cuvette. Entre temps, il s'est envoyé en l'air avec ce qui passait, quelques minutes de bonheur, trébuchant dans le noir, pour finir recroquevillé dans des draps dégueulasses. Il en a touché, des corps, des Winners & Losers, dans ce domaine, pas de label, on se contente de faire le travail syndical minimum. Il a assisté à quelques enterrements, le Winner a besoin de répétitions, touché le bois des cercueils, s'est incliné devant des tombes, pleuré derrière des lunettes noires, un Loser n'en aurait pas porté.

Pour parfaire le tableau, il traîne un de ses membres, une sorte de poids mort qui ne se réveille que pour clamer ses douleurs. Il a continué sa petite entreprise dans la grande entreprise, on a continué à lui dire en début de chaque année qu'il était un Winner, alors que le masque tombait parfois sous le poids du déséquilibre. Il a continué dans son labyrinthe, dont il a le plan, il a répondu à des interviews, marchandé sa valeur, plongé sa main droite dans un récipient rempli à ras bord de poudre amalgamée, ça a fait du bien, ça a fait du mal, ça n'a plus rien fait du tout. Il a enchaîné des repas à forte saveur, obligation logique de sa perte de goût. Ses desserts, on ne peut pas dire que ce sont ses plus beaux trips. Il s'est souvenu de la famille. Il a tenté de s'échapper, a essayé de courir dans une rue grisâtre et pluvieuse, des sacs de pierres accrochés autour de ses chevilles, qu'importe, un Winner se sort de nombreuses situations...

Un escalator l'a monté quotidiennement au plus près des étoiles du Paradis, il a tant aimé tomber de si bas pour refaire surface l'espace d'une seconde où il a entendu "Winner !!", puis à nouveau la descente en escalator. Matin & Soir. Il n'a pas aimé la posologie de ce monde moderne, mais il a toujours été un Winner, on le lui a tellement dit, il n'a toujours su que dire "oui", c'est sa vie...

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