Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Stripey
Stripey
Publicité
Stripey
18 juillet 2005

Culture d'Entreprise

Il existe d'innombrables définitions de la culture d'entreprise, toutes plus compliquées les unes que les autres. Vous pouvez découvrir la culture de la vôtre en vous posant les questions suivantes :

Quels sont les dix mots que vous choisiriez pour définir votre entreprise ?
Qu'est-ce qui est important ?
Qui reçoit des promotions ?
Quel genre de comportement est apprécié ?
Quel genre de personnalité se sent à l'aise dans l'entreprise ?

Toutes les relations au sein de l'entreprise sont basées sur le pouvoir. Ce genre de culture résulte souvent dans des querelles internes concernant les statuts et les privilèges. Ces rapports durs et compétitifs effraient certains employés. Efficacité avant tout. C'est l'objectif qui prime. L'autorité se base sur les compétences et le savoir. Un exemple de cette culture sont les dénominations " senior/junior " (supérieur/inférieur). Cette culture de la répartition des tâches permet, paraît-il, une action efficace et laisse de l'espace à l'improvisation. Les règlements et les processus qui ralentissent le travail sont donc bannis. Les aspects socio-émotionnels ne reçoivent pas beaucoup d'attention. Celui ou celle qui ne parvient pas à se défendre ou qui ne parvient pas à suivre le rythme sera tout simplement remplacé.

Les employés souffrent et ne le disent pas. La précarité d’emploi, la course à l’excellence, les pressions à la performance, la polyvalence, les campagnes de restructuration et la formation continue à un rythme effréné, etc., cochez la case correspondant à votre cas.

En fait, la souffrance s’opérationnalise à partir de la contrainte à mal travailler, la crainte de l’incompétence, l’absence de reconnaissance et les stratégies de défense. Celle-ci s’observe lorsqu’une personne sait ce qu’elle doit faire, mais elle ne peut pas le faire parce qu’elle en est empêchée par des contraintes de travail telles des procédures contradictoires, un climat désastreux et des collègues à contre-sens. Elle correspond aussi à l’impossibilité pour un travailleur de déterminer, avec un minimum d’exactitude, si les échecs qu’il vit sont attribuables à un manque de compétence de sa part ou bien à une défaillance technique n’étant pas de son ressort. Et finalement, l’absence de reconnaissance, va de soit. La reconnaissance n’est pas une question de valorisation personnelle servant à gonfler l’ego des travailleurs; elle a un effet direct sur l’identité de la personne puisque cette dernière investit son intelligence, sa ruse et mobilise ses affects dans l’exécution de son travail. Finalement, les défenses sont ce que le sujet met en place pour se protéger contre les affects pénibles. Les défenses permettent de tolérer l’intolérable et d’accepter ce qui ne devrait pas l’être. Par conséquent, l’effet pervers des défenses est de désensibiliser sur ce qui fait souffrir ou «d’endurcir» face à la souffrance.

Le débat de la souffrance au travail étant encore au stade embryonnaire à l’heure actuelle, les gens éprouvent une honte spontanée à protester contre certaines conditions vécues dans le travail alors que des milliers d’autres vivent dans des conditions beaucoup plus précaires qu’eux. La honte de rendre publique la souffrance engendrée par les nouvelles techniques de gestion de personnel vient inhiber toute action collective en ce sens. En même temps que le travail permis par l’entreprise est le début de la souffrance au travail, elle devient l’héroïne incontestée dans la promesse du bonheur, une sorte de denrée rare que peu ont la chance de goûter.

Bénéficiant d’une certaine abondance de main-d’oeuvre, l’entreprise a le beau jeu face à ses employés. Ces derniers vivent sous la menace du licenciement; par conséquent, ils ont tout intérêt à ne pas lésiner sur les tâches demandées, sinon ils auront leur billet pour la prochaine charrette de congédiement avec les effets que l’on connaît. Dans un contexte économique où l’entreprise domine, la précarisation conduit à l’individualisation des rapports de travail et le mot d’ordre devient le «chacun pour soi»; il faut tenir le coup et «se la fermer», ne pas lâcher et la souffrance des autres, «on n’y peut rien». La stratégie de défense consiste donc à nier la souffrance des autres et à faire le silence sur la sienne propre.

Le discours officiel de l’entreprise sur le travail et son organisation est élaboré afin de servir une propagande à l’extérieur de celle-ci. Rien de nouveau là-dedans, il s’agit du mensonge commercial déjà fort répandu depuis bien longtemps. La différence avec aujourd’hui, c’est que le discours truffé de mensonges est maintenant construit pour servir la propagande à l’interne, pour nourrir la «culture d’entreprise». Les messages d’informations diffusés au sein de l’entreprise pour favoriser les échanges entre les divers secteurs d’activités sont, en fait, un agrégat de mensonges utilisés à des fins propagandistes dans le but de stimuler la production des différents secteurs d’activités.

L’espace laissé vacant par le silence des travailleurs sur la réalité de leur travail est utilisé pour faire de la fausse propagande sur l’entreprise, et ce, tant à l’interne qu’à l’externe. Les travailleurs sont traités comme des crétins et des ignorants. Ils sont manipulés par des informations incomplètes et par des images faisant appel à leur imaginaire plutôt qu’à leur faculté de penser.

Ainsi, le vice est de fait transformé en vertu. L’ingrédient de cette mutation de sens porte le nom de virilité, parfois féminine, ce qui veut dire que c’est sur l’autel de la virilité qu’est sacrifié le courage au nom du mal. Cette virilité professionnelle est la capacité à infliger la souffrance à autrui, sans broncher, au nom de l’exercice, de la démonstration ou du rétablissement de la domination et du pouvoir sur l’autre. Le discours viril est un discours de maîtrise appuyé sur le raisonnement logique et la connaissance, supposé ne laisser aucune ambiguïté ni de zones grises.

C’est grâce à cette virilité que le «sale boulot» se fait dans les entreprises. Celui qui refuse de commettre le mal, ou celui qui n’y parvient pas, est dénoncé vertement comme un «pédé», une «femme», «un gars qui n’a rien entre les jambes», etc… Pourtant, celui qui dit non au « sale boulot », le fait au nom du bien et de la vertu, ce qui nécessite un fort courage puisque le risque de ne pas être reconnu, voire même méprisé et ridiculisé est extrêmement grand. En fait, la virilité se veut une défense contre les effets de l’exécution du «sale boulot».

Pour atténuer cette souffrance, plusieurs hommes et femmes dénient la souffrance d’avoir à faire le sale boulot. Parfois, le déni peut aller jusqu’à la provocation, c’est-à-dire que la participation au sale boulot est clairement annoncée sur un ton sarcastique.

La souffrance silencieuse au travail. L’ampleur de la machine néo-libérale dans la gouverne de nos sociétés post-industrialisées. En mettant au jour un processus qui fonctionne comme un piège, la souffrance devient pensable et avec elle, une autre conception de l’action. Jusqu’où les gens sont-ils prêts à souffrir en silence?

Le contexte social actuel n’est pas une maladie incurable. Il existe un pouvoir d’agir sur ce contexte. Cependant, pour être efficaces, les actions à entreprendre ne doivent pas être qu’individuelles, elles doivent aussi être collectives. Or, les stratégies de défense conduisent à isoler les gens les uns des autres de sorte que la mobilisation devient de plus en plus difficile. Jusqu’où les individus s’éloigneront-ils avant de se rapprocher?

La responsabilité de la direction de l'entreprise est minime, voire même nulle. Elle-même est prise dans ce système d'engrenage et n'a pas la possibilité de revendiquer une telle situation dans le monde du travail. Elle peut être parfois complice, mais à ses dépens, elle-même étant redevable devant d'autres autorités invisibles sur le lieu du travail. Le management a peu de marge de manoeuvre, malgré le discours officiel qu'elle veut bien parfois livrer; elle est généralement tout à fait consciente de cet état de fait qui la dépasse et qui la met également dans une posture de victime. A l'exception près que les incidences sur son devenir sont moins tragiques que pour le reste de l'entreprise. La direction est trop souvent considérée comme la cible idéale pour les personnes en souffrance, puisqu'elle est leur unique référent. Mais le référent ultime est au-dessus de cette direction.

Donc si vous pensez que vous vivez dans un monde moderne, et que votre conception de la modernité rime avec humanité, vous devez vous armer solidement pour évoluer quotidiennement dans votre entreprise. Entre 300 et 400 salariés se suicideraient chaque année sur leur lieu de travail. Une violence perverse au quotidien. Une terreur froide, jamais physique, mais dont la cible humaine sort généralement usée et brisée, parfois même les pieds devant.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité